SANSHOU signifie « mains libres ». Ce nom désigne l’étape de l’apprentissage d’un Art Martiale à laquelle l’étudiant est désigné apte à échanger des assauts non conventionnés avec un partenaire. « Non conventionné » signifie que les techniques échangées ne sont pas préétablies. En effet, dans l’enseignement martial traditionnel Chinois, l’étape précédant le SANSHOU invite les étudiants à pratiquer le combat « arrangé », c’est-à-dire une sorte de forme à deux, reproduisant toutes les réponses techniques types qu’une « boxe » (nom attribué, en Chine, à un style martial bien précis) entend donner face à une multitude d’attaques, de défenses et de contre-attaques différentes.
Normalement, le SANSHOU n’est autorisé que lorsque cette étape de formatage technique est maîtrisée. Le SANSHOU n’est donc pas « un combat libre » à proprement parler, c’est un cadre dans lequel un échange technique non préétablis peut se faire entre personnes expérimentées. La maîtrise technique et l’absence de volonté de gagner y garantissent la sécurité des deux partenaires ainsi que l’expression d’un comportement éthique et vertueux. Un partenaire devient un adversaire dès lors que l’esprit de compétition s’installe entre lui et vous. Cet esprit de compétition est justement ce qu’il faut absolument bannir des pratiques martiales car il nourrit l’ego et entraîne la division entre les hommes. Dans le SANSHOU, l’objectif est d’exprimer l’art que l’on est sensé avoir intégré par de longues années de pratiques, pas de faire n’importe quoi n’importe comment dans le seul but de détruire l’autre ou de gagner.
Ce besoin de compétition qui a transformé les arts martiaux en sports a tué toute leur raison d’être originelle. Il a aboli toute transmission de concepts philosophiques issus du bouddhisme ou du taoïsme. Il a invité les hommes à s’affronter dans le but de prouver leur force. Il a motivé la création d’écoles de la violence alors qu’à la base, les arts martiaux se voulaient écoles de la vie. Il a entraîné l’aberration qui consiste à séparer « les techniciens » des « combattants » tellement il devenait impossible de faire le lien entre la tradition et les dérives sportives.
Traditionnellement, une séance de SANSHOU devrait donc permettre à des adeptes d’une « boxe » de s’exercer à appliquer leur art dans le cadre d’un affrontement sécurisé non pas par des règles d’arbitrage, mais par leur maîtrise et leur volonté de ne pas tomber dans les pièges égotiques. Malheureusement, cela n’est plus le cas. Ce que l’on nomme aujourd’hui SANSHOU est généralement le cadre d’un combat entre deux pratiquants de n’importe quel niveau, entraînés pour gagner au moyen de techniques rudimentaires. L’objectif n’est pas d’exprimer un art avec toute la difficulté que cela demande, mais de vaincre le plus facilement possible un adversaire. La culture occidentale englobant la notion de sport et de compétition, il est très difficile pour les occidentaux de comprendre la démarche spirituelle et l’objectif d’accomplissement personnel qu’il y a derrière une pratique martiale traditionnelle Asiatique. Dans leur esprit, il ne peut y avoir qu’un seul objectif à s’exercer aux arts de la guerre : vaincre l’autre. La plupart du temps, si vous présentez un art martial comme un moyen de vous unir à l’autre pour parvenir à créer l’harmonie au sein d’une confrontation physique, vous passez pour un illuminé. Il est pourtant bien là l’intérêt de l’exercice. Toute la raison d’être d’un art martial traditionnel se réclamant d’une origine bouddhiste ou taoïste par le biais d’une affinité avec un temple comme Shaolin ou Wudang n’a comme objectif que de vous enseigner cette capacité à créer l’harmonie en vous et autour de vous, dans le combat comme dans la vie.
Alors me direz-vous, qu’attendre des séances de SANSHOU que je propose ? Ma réponse est la suivante : puisque les occidentaux veulent du combat avant tout, partons de ce qu’est un combat et servons-nous, dans un premier temps, de ce qu’il exige physiquement et psychologiquement pour amener les élèves à travailler sur eux afin d’améliorer bon nombre de qualités. Dans un second temps, mettons en avant les principes stratégiques chers aux arts martiaux chinois et enfin, grâce à cela, amenons les étudiants à comprendre l’intérêt d’une étude technique subtile et profonde pour parvenir à maîtriser ces stratégies. Finalement, il suffit de fonctionner à l’envers (ou « allant vers »). En découvrant toute la philosophie du combat que les arts martiaux traditionnelle Chinois proposent, on découvre également une sagesse applicable au jour le jour dans la vie quotidienne. L’esprit d’opposition et de compétition disparait peu à peu et les échanges deviennent plus harmonieux. L’intérêt pour les dimensions mécaniques et énergétiques de l’Être prennent le pas sur la volonté de paraître ou de briller au détriment des autres et enfin, la compréhension de ce que sont les « boxes » traditionnelles dans le fond comme dans la forme s’établit pleinement.
En conclusion, à travers les séances dites de SANSHOU, je propose un gros travail de préparation physique et psychologique, un travail technique personnel de percussions, de saisies et de projections basé sur la compréhension des lois mécaniques et énergétiques du corps et enfin, une mise en application des concepts stratégiques martiaux Chinois (non-opposition des forces, utilisation des forces, équilibre des forces etc.).
Attention, je n’enseigne pas le SANDA, cette forme de combat sportif suggéré aux Chinois par les militaires Russe durant l’entre-deux guerres mais bien le SANSHOU qui se veut être l’application directe des concepts martiaux traditionnels de l’empire du milieu. Même si les deux termes peuvent se confondre et engendrer bon nombre de confusions, c’est l’objectif de l’entraînement qui va déterminer toutes leurs différences. Le SANDA est un sport de combat. Le SANSHOU est un cadre d’exercice avancé pour les artistes martiaux.