École d'Arts Martiaux Chinois de Brice Amiot

Choisir une discipline martiale en France…

… À quoi s’attendre ?

Bonjour à toutes et à tous, tout au long de l’année je reçois des appels de personnes souhaitant intégrer mon école. Je constate malheureusement souvent que bon nombre de ces personnes manquent cruellement d’informations au sujet des disciplines qu’elles entendent aborder, des écoles qu’elles s’apprêtent à fréquenter et des professeurs qu’elles démarchent. Elles ne prennent parfois même pas la peine de regarder en détail le site internet de la structure qu’elles sollicitent avant de se munir de leur téléphone pour poser, à son responsable, tout un tas de questions dont les réponses constituent justement la raison d’être du site. D’autres sont simplement perdues face à la multitude de disciplines martiales en tous genres qui circulent aujourd’hui et c’est à ces personnes à qui on ne peut pas reprocher de n’y rien comprendre que cet article s’adresse principalement.

J’estime que la base, lorsqu’on se met en tête de s’engager dans l’apprentissage d’une discipline martiale, c’est d’identifier ce qui, dans le fond, nous motive précisément et par extension, de déterminer ce que l’on cherche à développer, exprimer ou réparer à travers la pratique. Ensuite il faut être capable de faire la différence entre un sport de combat, un système de self défense et un art martial. Pourquoi ? Parce que ces trois grands domaines regroupent l’ensemble des disciplines martiales et même si, dans la forme, on peut facilement les confondre, dans le fond, ils sont très différents.

Je vais donc tenter de vous expliquer en quoi résident ces différences en me basant sur ce qui est proposé par la plupart des structures françaises du milieu martial, c’est-à-dire les clubs associatifs ou privés. Je ne vais pas le faire d’une manière neutre car je côtoie le milieu martial français depuis plus de quarante ans et forcément, de ce fait, j’ai un avis bien arrêté sur le sujet. Divulguer et justifier cet avis m’est personnellement utile car cela me permet de travailler avec des personnes qui partagent la même vision des choses. J’estime également que l’analyse de quelqu’un qui a un peu d’expérience dans un domaine peut être utile à une personne novice à condition de bien lui rappeler qu’un avis ne constitue que la vérité de celui qui le donne.

I. LES SPORTS DE COMBAT

Un sport de combat, par définition, implique un esprit sportif. Son objectif est de vous amener à maîtriser un registre technique imposé et à acquérir des compétences physiques et stratégiques au moyen desquelles vous pourrez exercer des combats réglementés par le code du sport.
Dans le sport de combat, la compétition est le moteur de la pratique. Celle-ci justifie les efforts demandés. Le sport de combat prône l’esprit de compétition, le dépassement de certaines peurs et de toutes autres limites. Un sport de combat n’est pas forcément d’origine asiatique. Parmi les sports de combat les plus connus nous pouvons citer les boxes anglaise, française, thaïlandaise et chinoise, le full contact, le kick boxing, la lutte, le Sambo Russe mais également le MMA qui malgré son nom, n’est en aucun cas un art martial ! Ni dans la forme, ni dans le fond.
La plupart des arts martiaux asiatiques se sont, sous l’influence occidentale, transformés en sports de combat. Les clubs sportifs français de judo, de karaté et de Taekwondo peuvent, par exemple, en grande majorité, être considérés comme des clubs de sports de combat aux vues de ce qu’ils proposent à leurs adhérents. Mais ces dérives sportives ne font pas des arts martiaux des sports de combat, nous le verrons plus tard. Si vous aimez la compétition et si vous n’avez pas d’autre objectif que celui de vous défouler, d’exprimer ou d’acquérir une combativité naturelle, le tout dans un esprit et un cadre purement sportif, alors optez plutôt pour un sport de combat. Celui-ci vous permettra d’expérimenter une certaine réalité de ce qu’est un affrontement physique mais toujours dans un cadre plus ou moins sécurisé par les règles, les protections et les encadrants de la pratique de votre discipline.

II. LES SYSTÈMES DE SELF-DÉFENSE

Un système de self-défense prétend pouvoir vous apprendre à faire face à divers types d’agressions physiques. Il vous propose des entraînements composés de conditionnement physique et de recettes gestuelles à appliquer si, par malheur, vous vous trouvez un jour confronté à telle ou telle attaque. Les moteurs de la pratique sont la peur d’être agressé face à la mise en avant d’une insécurité grandissante, le besoin de savoir se défendre, l’agressivité et surtout l’illusion que la réponse à la question de la défense personnelle peut se résumer à des gestes techniques exécutés entre amis dans le cadre d’une pratique de type occasionnel.

Si vous êtes donc du genre à penser qu’on peut, à l’aide de simples recettes techniques et quelques aptitudes physiques, apprendre à se défendre contre des agressions qui surviennent généralement par surprise et qui sont élaborées par des agresseurs déterminés, organisés, plus forts physiquement, souvent armés, supérieurs en nombre et habitués à déchaîner une violence qu’ils connaissent parfaitement parce que c’est pour eux le seul moyen d’obtenir ce qu’ils veulent, le tout en vous entraînant à répéter des chorégraphies de films d’action avec des gens n’ayant aucune réelle intention de nuire à votre intégrité physique, alors les systèmes de self défense sont pour vous.
Si vous êtes du genre à penser que la vie est un film ou une série Netflix et qu’un bagarreur de 100 kg peut apprendre à une nana qui en pèse 50 (ou pire à un enfant de 25 kg) à se défendre contre un voleur, un violeur ou un kidnappeur en lui montrant un coup de coude, une clé de bras et un coup de genoux aux parties génitales et ce, sans qu’il n’ait jamais lui-même expérimenté les situations dont il prétend avoir la clé, foncez !

La plupart des clubs de self défense, Krav maga, et autres méthodes à la mode aux noms divers et variés (il en sort une par semaine) vous vendront du rêve pour ne pas dire du mensonge. Comprenez bien que les problèmes de défense personnelle se gèrent principalement en amont d’un éventuel conflit d’ordre physique avec du bon sens, une réflexion perpétuelle en termes de sécurité, de l’anticipation, de la prévention et de l’humilité. Une vraie méthode de self défense devrait avant tout vous apprendre à être vigilant, analytique, réactif, prévoyant pour justement éviter tout risque de conflit physique et si jamais celui-ci devait avoir lieu, elle devrait pouvoir vous permettre d’être à même de pouvoir gérer tous les paramètres émotionnels qu’une telle situation engendre pour être en mesure de mener des actions efficaces et ça, ce n’est pas ce qu’on vous apprend dans les clubs de self défense.
Pourquoi ? Parce que pour rester froid sous le feu d’une agression réelle, il faut être accoutumé à la violence, il faut la côtoyer tous les jours. Ce n’est pas sur le bord de la piscine qu’on apprend à nager, c’est dans l’eau… Ce n’est pas dans une salle de sport avec des potes d’entraînement qu’on apprend à faire face à la violence de la rue. Les personnes réellement prêtes à pouvoir se défendre contre une agression (et je ne parle pas d’une bagarre d’ivrognes ou d’automobilistes contrariés), je parle d’une agression physique préméditée – sont soit des personnes qui vivent dans des zones de conflits ou dans des quartiers dans lesquels la violence est quotidienne, soit des personnes dont le métier est de côtoyer la violence tous les jours. Les autres jouent à la bagarre. Les pompiers sont capables d’affronter le feu parce que tous les jours, ils s’entraînent à répéter des protocoles qui ont fait leur preuve en situation réelle et tous les jours ils affrontent le feu ou diverses situations d’urgence. Ils ne vont pas s’entraîner une ou deux fois par semaine à jouer au pompier dans une salle ou il faut éteindre un barbecue.

Il n’est pas possible de mettre en place des simulations de situations d’agressions réalistes en dehors d’un contexte de préparation professionnelle. On ne peut pas produire les paramètres brutaux et émotionnels de tels évènements dans un club de loisir.
Une agression, ce n’est pas un partenaire qui vient face à vous et qui, à un signal donné, vous attaque avec un seul geste conventionné puis attend que vous réalisiez votre enchaînement technique. Ce n’est pas un pote qui vous braque avec un pistolet factice en s’assurant que vous allez pouvoir l’attraper. Ce n’est pas un copain qui simule un unique coup de couteau en plastique au ralenti avec un bel angle et une pause suffisamment longue pour vous permettre de faire un truc qui se révélerait suicidaire en situation réelle.

Il ne me semble pas que la réponse face à ce que je nomme une agression physique existe dans le type de format proposé dans le civil par ces systèmes de self défense à la mode. Je suis de plus persuadé que pour se défendre, il faut avoir un instinct particulier que tout le monde n’a pas et, en plus de cela, des aptitudes qui nécessitent beaucoup de travail sur de nombreux plans. Mais voilà, la formule fait recette et on tient à maintenir un business lucratif.

Aujourd’hui, lorsque vous allez dans une salle de self défense, vous avez 95 pour cent de chances de tomber sur un professeur qui fera tout pour afficher des allures de militaire et qui prétendra avoir entraîné tel ou tel corps d’élite de la police, de la gendarmerie ou de l’armée (c’est drôle, parce que quand vous les interrogez, le membres de ces institutions vous répondent toujours qu’ils n’ont pas d’entraînement en matière d’auto-défense proposé dans leur cadre professionnel car il n’y a aucun budget attribué à cela), qu’il a formé des gardes du corps ou des videurs de boîte de nuit. Ce professeur organisera un entraînement constitué d’éducatifs de formation classiques issues des sports de combat ou des arts martiaux auquel il mélangera des exercices plus ou moins débiles et dangereux qu’il justifiera par les besoins de la rue. Oui, débile et dangereux ! C’est pour moi débile et dangereux de s’entraîner par exemple à encaisser des coups portés dans la gorge, les oreilles, les articulations ou les parties génitales : Hé les gars… ça ne se renforce pas les tympans, les testicules non plus… C’est débile d’aller au boulot complètement fracassé par des entraînements destructeurs qui ne vous permettront justement pas de faire face à un problème en étant en pleine possession de vos moyens, des entraînements qui ne suivent souvent aucun programme logique, ne forment rien d’utile à la vie quotidienne, ne font qu’alimenter une psychose nocive, un esprit bas du front et un mensonge bien entretenu par le cinéma.

Bref, mon avis est que si vous cherchez un clan avec qui partager des idées improductives sur la réalité de notre société et des pseudos savoir-faire incomplets et inapplicables face à la question de la défense personnelle, vous le trouverez dans la plupart des clubs de self défense. Si vous êtes du genre à penser que vous êtes une victime potentielle et qu’il faut apprendre à détruire la menace extérieure plutôt que de travailler à faire naître tout un tas de qualités qui vous éloigneront de ce sentiment d’insécurité et qui plus est, vous seront utiles au quotidien alors je ne saurais que trop vous conseiller d’aller fréquenter ces pseudos formateurs en self-défense qui pullulent en France. Les problèmes psychologiques savent se nourrir mutuellement. Si vous êtes un passionné de violence sans aucune intention de construire une maîtrise personnelle capable d’équilibrer vos pulsions, nul doute que vous trouverez des potes de baston et de beauferies dans ces structures aberrantes qui sont nées dans des contextes historiques dans lesquelles elles étaient cohérentes. À ce moment- là, elles n’étaient pas présentées comme des loisirs ou des sports mais comme des moyens de survivre avec tout ce que cela sous-entendait en terme de formation. Enfin, si vous êtes une nana naïve, craintive et soumise sachez que vous êtes la proie idéale de certains de ces pseudos-sauveurs de victimes.

Après cette présentation qui me vaudra les inimitiés du monde de la self défense française je tiens à préciser que ce n’est pas la self-défense elle-même que je pointe du doigt mais bien ce qu’on en a fait. J’ai parmi mes amis des gens issus de ce milieu et ils ne sont pas dupes du format qu’on leur demande de respecter pour transmettre leur savoir. Ces gens sont, avant d’être des formateurs en self défense, des personnes compétentes dans les domaines des arts martiaux ou des sports de combat. Ils se sont construit un corps, un mental, une finesse technique et une expérience assez réaliste de l’affrontement physique grâce à cela. Ils ont en plus des valeurs et du bon sens, la connaissance de la psychologie des différents types d’agresseurs, connaissent les lois de leur pays et surtout se connaissent eux-mêmes. Ce bagage leur permet d’avoir du recul sur le sujet de la self défense et d’affirmer que pouvoir un minimum se défendre en cas d’agression exige bien plus que des recettes de protocoles gestuels.

III. LES ARTS MARTIAUX

Soyons clair, en vous engageant au hasard dans ce que l’on nomme aujourd’hui « un club » d’arts martiaux, vous allez, la plupart du temps, en France, vous retrouver à pratiquer un sport d’inspiration martiale et non un art martial, sauf si vous vous dirigez vers l’Aïkido, le Kendo ou le Kyudo qui n’ont pas été « sportisés ». Vous ferez partie d’une fédération sportive qui organise des compétitions, des passages de grade, des formations de professeurs et de dirigeants de clubs. Vous bénéficierez d’un enseignement qui aura l’énorme incohérence de vous proposer deux domaines de travail très distincts : la technique d’un côté et le combat de l’autre. Votre club vous imposera de porter des tenues plus ou moins traditionnelles et vos séances d’entraînement seront agrémentées de quelques rituels d’usage dont la codification sera passée sous silence, souvent parce qu’on en a oublié la signification ou parfois, malheureusement, parce qu’on ne souhaite pas aborder des sujets d’ordre philosophique ou spirituel dans un pays où il est mal vu de souligner le sens sacré des choses. Dans votre salle de pratique, dans ses vestiaires ou dans ses toilettes, il y aura peut-être au mur, un poster avec un code de valeurs ou de vertus à respecter dans la vie lorsqu’on prétend accéder au titre d’artiste martial. Ce poster sera souvent le seul lien avec l’esprit traditionnel des arts martiaux. Sa présence ne sera que rarement justifiée, il n’y aura d’ailleurs aucun cours théorique expliquant la moindre raison d’être de tout ce qui constituera la matière de l’enseignement. C’est tout juste si on vous présentera les gars dont on vous invitera à saluer les portraits au début des séances. Non, on estimera que vous êtes là pour pratiquer un sport et on vous fournira une activité sportive, un discours sportif, des coachs sportifs à l’occidentale. Incapable de faire valoir les réels intérêts que la pratique d’un authentique art martial peut avoir pour vous, on essaiera plutôt de vous fournir les mêmes arguments de vente que la concurrence en prétendant faire de la self défense efficace ou du « combat libre plein contact » ce qui sèmera le trouble dans votre esprit et fera justement bien rire cette concurrence.

Mais si vous creusez un peu, vous pourrez peut-être encore trouver une de ces écoles d’arts martiaux qui transmettent encore des apprentissages découlant d’une façon précise de concevoir l’existence et, de ce fait, s’inscrivant au sein d’un mode de vie ou plutôt, d’un art de vivre spécifiques car oui, vivre peut être un art. On qualifiera ces apprentissages de traditionnels pour souligner le fait qu’ils sont restés inchangés depuis les époques reculées qui les ont vu naître. Rappelons d’ailleurs au passage que les sports de combat et les méthodes de self défense appartiennent aux temps modernes dans le sens où ils n’ont que quelques décennies d’existence là où les arts martiaux eux, en ont des centaines. Leurs différences sont donc en grande partie liées aux états d’esprit et aux besoins de leurs époques respectives.

Sachez qu’un authentique art martial ne devrait avoir pour objectif que de vous amener à améliorer votre potentiel d’Être humain en vous invitant à travailler sur des méthodes de formation élaborées à partir d’une subtile connaissance de l’homme dans toutes ses dimensions et de ses besoins pour élever ce fameux potentiel. En d’autres termes, un art martial devrait vous permettre de devenir « fort » ou plus fort. C’est-ce qu’on attend effectivement de lui me direz-vous mais attention, il faut bien comprendre ce que signifiait le mot « force » au sein des courants de pensée qui sont à l’origine de l’existence des arts martiaux asiatiques avant que ceux-ci n’aient été, pour la plupart, transformés en sports car malheureusement, le commun des mortels actuels est souvent loin d’imaginer les besoins qu’un être humain doit satisfaire pour être « fort » au regard de ces anciens qui ont œuvré pour élaborer de véritables sciences d’élévation de l’Être tels que les arts martiaux.
Cette carence amène d’ailleurs l’homme moderne à entretenir des conditions de vie désastreuses pour lui-même et son environnement.

Donc, lorsque je parle ici de potentiel humain, je parle du champ de capacités que l’humain peut développer sur les plans physique et psychique et de ce fait, lorsque je parle de force, je parle d’un certain aboutissement de ce développement qui se constate à différents niveaux et qui permet à l’humain de pouvoir surmonter les épreuves de l’existence. Il faut cependant que je vous livre deux clés pour vous permettre de comprendre où se situe la différence entre un art martial et les autres disciplines qui revendiquent un champ d’étude lié au combat.

La première clé est la suivante : les croyances qui sont à l’origine de l’élaboration des arts martiaux estiment que le développement des capacités physiques ou psychiques de l’être humain sont liées à l’harmonieuse circulation d’un vaste capital d’énergie de vie en lui. En gros, selon cette croyance, plus on est vivant, plus on est fort !

La seconde clé nous dit que pour accroître, entretenir et défendre ce capital de vie, il convient d’adopter un mode de vie basé sur la connaissance et le respect des lois qui régissent notre univers.

Ces deux clés me permettent d’affirmer qu’un authentique art martial devrait vous apprendre comment construire un capital d’énergie de vie, comment l’entretenir, comment le préserver, comment l’influencer afin d’en réguler la circulation, et enfin, comment le défendre, tout cela en relation et en accord avec les lois universelles.

Son champ d’action est donc celui de la Santé avec un grand S puisque l’état de parfaite Santé constitue la manifestation d’un tel apprentissage. C’est justement là que se joue la compréhension de ce qu’est un art martial car la méconnaissance de ce point essentiel amène bon nombre de personnes à être dans l’incapacité de comprendre les codes et les éléments de formation qu’un tel art propose.
En mettant au premier plan une volonté de sublimer et de défendre la Santé et non une volonté d’apprendre à détruire quelqu’un, vous pouvez faire la différence entre les apprentissages que vous proposera un authentique art martial et ceux qu’un sport de combat ou qu’une méthode de self défense vous proposeront.

À présent tâchons d’argumenter cela car, encore une fois, aujourd’hui, notre perception de l’état de santé et de ses conditions est, dans le meilleur des cas, assez rudimentaire par rapport à la vision qu’en avaient les anciens qui se transmirent les vieilles traditions martiales à travers les âges, parfois en cachette, jusqu’à ce que l’ère moderne ne change les consciences.
De plus, même si nous avons compris que pour assurer la base de sa santé, un être humain a besoin de satisfaire des besoins tels que respirer correctement de l’air pur, manger une nourriture saine et équilibrée, avoir un sommeil réparateur, faire de l’exercice, être heureux et éviter de s’empoisonner par tout un tas de pollutions et d’agents toxiques, nous œuvrons à nous priver de tous ces éléments. Nous entretenons en effet des modes de vie construits sur une croyance nocive : celle que le but de l’existence terrestre se résume à devoir accumuler le maximum de richesses matérielles, multiplier les plaisirs, correspondre à des normes et des standards dictés par les sociétés et remplir tout un tas d’obligations que nous nous imposons par morale, honneur, loyauté, culpabilité, volonté d’être aimé ou d’être accepté. Nos modes de vie n’ont pas comme priorité de prendre soin du vivant en nous et autour de nous parce que le fait de ne plus directement contribuer à assurer notre survie et notre santé nous a amené à nous en détourner. De ce fait, la santé est rarement prioritaire dans l’ordre de nos préoccupations, ce qui est prioritaire, c’est de faire de l’argent car l’argent est devenu, dans nos consciences, l’intermédiaire essentiel pour pouvoir vivre. Nous le disons nous-même : il faut « gagner sa vie ». Seulement l’argent ne se mange pas, l’argent ne se respire pas, l’argent ne soigne pas. C’est un intermédiaire au sein d’un groupe de personnes qui s’accordent pour lui reconnaître une valeur d’échange alors que pour les concepteurs des arts martiaux, une chose n’avait de valeur que si elle assurait directement la survie et la santé. Ceux qui ont conçu les arts martiaux vivaient reclus, dans la nature, au sein de communautés dont l’objectif principal était d’atteindre ce qu’on appelle l’illumination c’est-à-dire une expansion de conscience leur permettant de se sentir en communion avec la source de toutes formes de vie. Ils avaient non seulement la volonté de contribuer directement à leur survie, mais également celle de sublimer leur santé car, sous l’influence des enseignements venus d’Inde par la route de la soie, ils reconnaissaient la pleine santé comme étant une condition à l’élévation de l’esprit.

Mais alors, quelles étaient ces convictions que les premiers artistes martiaux avaient en matière de besoins pour atteindre une sorte de « super santé » et dont naîtront des méthodes de formation que nous pouvons encore expérimenter dans certaines écoles lorsque, sur le chemin de leur transmission, un passeur n’a pas cédé à la tentation de minimiser la construction de l’Être au profit de la destruction de l’autre ?
Pour répondre à cela, bien entendu, je ne listerai ici que les besoins qui justifient le sens d’une pratique martiale.

1. Le besoin d’harmonie.

Pour les anciens (c’est le nom que je donnerai dorénavant à ceux qui sont à l’origine de la conception des premières formes d’Arts Martiaux) l’harmonie était la condition essentielle à la santé. L’harmonie représente la parfaite relation entre toutes les parties d’un tout et leur capacité à unir leurs compétences dans la cohérence afin de produire un objectif commun : l’équilibre. L’harmonie est donc synonyme d’équilibre mais elle est également synonyme de paix car elle sous-entend une parfaite symbiose entre toutes les parties d’un tout.
Il sera toujours question d’harmonie dans tout ce que vous serez invités à produire dans une école d’arts martiaux. D’ailleurs votre guide sera le symbole même de l’harmonie à travers toute votre étude : le TAIJITU (plus connu sous le nom de symbole YIN YANG).

Si vous entrez dans une école d’arts martiaux digne de ce nom, on vous demandera d’abord d’adopter des règles de conduite afin de maintenir l’harmonie au sein de la communauté que constitue les membres de l’école et vous apprendrez alors un secret depuis bien longtemps oublié : il n’y a que l’application des vertus de la part des personnes qui constituent une communauté qui puisse permettre d’y établir l’harmonie. Les vertus sont les premières choses que l’on apprenait autrefois dans les écoles d’arts martiaux car elles étaient jugées plus importantes que n’importe quel autre élément d’apprentissage. Aux yeux des anciens, un homme sans vertus ne valait rien et était nocif pour lui-même et son entourage car seules les vertus peuvent permettre aux hommes de créer l’harmonie au sein de leur Être, de vivre en harmonie entre eux et de vivre en accord avec les lois qui régissent l’ensemble de l’univers. De ce fait, avant d’être intégré au sein d’une école d’Arts Martiaux, un postulant au titre d’élève était longuement testé sur sa vertu.

Dans une formation martiale traditionnelle, on vous apprendra ensuite à organiser votre corps et vos gestes afin de parvenir à réaliser une unité corporelle harmonieuse au service de chaque technique, chaque action. On vous enseignera à réguler votre mental, votre souffle, vos émotions, vos désirs et vos activités afin de rétablir ou de préserver l’harmonie initialement programmée au sein de votre corps. Cela constituera, pour certains, une très longue rééducation car notre vie moderne nous a fractionné. Nous sommes tellement éduqués de manière à placer le mental au-dessus des émotions, des désirs et du corps que lorsqu’il s’agit de conscientiser ces trois autres règnes et de les aligner sur celui de la pensée, nous sommes démunis. Nous observons qu’il est très difficile de parvenir à maîtriser un ensemble cohérent fait de pensées, de sentiments de désirs et d’actes et que rien qu’à l’échelle de notre corps, il est extrêmement long et difficile d’en réunir tous les éléments de façon cohérente et productive au service d’une seule action. Il nous faudra travailler à suivre la loi qui dit que la vie circule de manière optimale entre deux polarités lorsque celles-ci sont équilibrées. Nous le ferons en organisant notre corps pour que dans l’action, celui-ci soit parfaitement équilibré en termes de haut et de bas, de gauche et de droite, d’avant et d’arrière. La géométrie et la biomécanique nous amèneront une vision scientifique des règles de positionnement qui favorisent l’harmonieuse circulation de l’énergie de vie et permettent qu’un maximum d’efficacité soit généré avec un minimum d’efforts.

Dans un apprentissage martial, il est également souvent question de rythme et d’alignement car ces deux éléments nous permettent de travailler, encore une fois, sur la cohérence, première condition à l’harmonie. Savoir suivre un rythme régulier et constant, c’est être capable de se relier à un élément d’organisation générale. L’univers est rythme car il est organisé cycliquement. Nul ne saurait s’accorder aux lois universelles s’il ne reconnaît pas la loi des cycles et s’il ne sait pas suivre un rythme. C’est la raison pour laquelle la musique est tellement formatrice. Un rythme a le pouvoir de réunir et de coordonner toutes les parties d’un tout, il contribue donc à l’harmonie (je vous rappelle en passant qu’un cœur bas dans votre poitrine).
Quant aux vertus de l’alignement, elles vous seront transmises à travers toutes les notions d’alignement corporel entre le sol et l’adversaire qui vous seront demandées mais également par le rétablissement d’un lien entre intention et geste produit. L’alignement permet la canalisation et l’union des forces. Il est donc, lui aussi, facteur d’harmonie. Avec l’étude d’un art martial, vous parviendrez à saisir ce que signifie « aligner une spirale, une vibration ou une structure osseuse ». Votre compréhension du monde de la matière en sera alors métamorphosée.

Créer de la disharmonie, c’est créer de l’agitation. Au sein de n’importe quel système ou organisme, l’agitation est le témoignage d’un équilibre brisé qui entraîne la mise en tension générale de l’ensemble des éléments le constituant. Si l’on souhaite qu’un organisme soit malade, il suffit de le mettre sous tension en y organisant la dysharmonie, c’est-à-dire en y organisant l’incohérence, les déséquilibres, les injustices, la dévalorisation des vertus. Au sein d’un monde où règnent des maîtres de la dysharmonie, il me semble très important, pour garantir sa santé, d’adopter des disciplines basées sur le travail de la cohérence, de l’équilibre, de la vertu et de l’alignement. L’harmonie est un besoin vital pour l’homme, les anciens ne le savaient que trop bien.

2. Le besoin de travail

Le second besoin auquel la pratique d’un art martial répond, c’est le besoin de travail. Dans son livre « Candide », Voltaire mettait en avant que le travail éloigne de nous trois grands maux : l’ennui, le vice et le besoin. Le travail proposé par un art martial est un travail de construction personnelle. Personne d’autre que vous n’en recueillera donc les bénéfices. Ce travail ne sera pas uniquement physique. Il sera également intellectuel puisque vous devrez apprendre la terminologie de l’art et son histoire, étudier ses fondements philosophiques, connaître l’anatomie du corps et le fonctionnement de ses réseaux énergétiques, comprendre les nombreux aspects stratégiques de votre art, intégrer des notions géométriques et biomécaniques, savoir reformuler des éléments pédagogiques, apprendre à communiquer de manière claire, savoir vous repérer dans l’espace et appliquer des consignes d’organisation. Mais le travail le plus important dont on ne parle pourtant jamais, consistera à transposer, dans votre quotidien, la sagesse des enseignements reçus. Rien de ce qui constitue un authentique art martial n’a été pensé pour offrir à l’homme un sport ou un loisir, bien au contraire, car il n’y a dans sa raison d’être, aucune volonté de distraire, ni aucune volonté d’amener l’homme à être en compétition avec qui que ce soit. L’art martial veut plutôt l’amener à se perfectionner en tant qu’Être humain en lui fournissant de longs travaux à réaliser sur lui-même car encore une fois, les anciens étaient bien au fait que de solides qualités et de grandes vertus ne peuvent se construire que par les efforts et le temps. Selon la philosophie asiatique, nous sommes à même de contribuer à notre bonheur comme à notre malheur par le travail. Par exemple, la bonne santé peut découler d’un travail sur notre mode de vie. Les bonnes relations avec notre entourage peuvent être le fruit d’un travail sur notre caractère, notre capacité d’écoute et de communication. La confiance en soi peut être obtenue par l’effort d’une exposition graduelle aux épreuves qui suscitent la peur.
Dès lors que l’on comprend que dans la nature, la constitution d’un être vivant se modifie en fonctions des contraintes répétitives auxquelles il est soumis régulièrement afin de pouvoir y faire face avec aisance, on comprend la capitale nécessité du travail car qu’est-ce que le travail si ce n’est fournir des efforts pour accomplir une tâche contraignante mais constructive. Le travail est donc facteur d’évolution. J’ajouterais que pour celui qui est assez mature pour comprendre que l’être humain ne trouve de sens à l’existence qu’à travers une perpétuelle quête d’évolution, il parait évident que le bonheur passe par le travail sur le soi.

3. Le besoin d’une communauté saine

Certains pensent que la notion de communauté est loin d’être un besoin. Pourtant c’est au sein de ses semblables que l’on peut réellement travailler sur soi et ce, même si l’expérience de l’ermitage peut être un temps bénéfique pour équilibrer les désordres psychologiques et émotionnels créés par un « trop d’humanité ». La solitude est un bon moyen pour se retrouver avec soi-même et faire le point sur ce que l’on souhaite et ne souhaite pas dans une vie. Cependant, la communauté est propice à notre évolution car l’autre aussi est un biais de connaissance de soi.
Une école d’arts martiaux offre normalement une communauté saine. « Saine » parce que tous les membres sont présents pour tourner autour d’un axe précis : l’étude et la pratique de l’art. Si chacun ne s’en tient qu’à cela tout en s’employant à incarner les vertus, les bases d’une communauté saine peuvent être fondées. L’école d’arts martiaux est donc normalement un endroit où l’on vient apprendre ce qui maintient réellement le fameux « bien vivre ensemble » et en expérimenter la saveur. Lorsque nous n’avons pas reçu une éducation nous permettant d’être le maillon d’une communauté saine, généralement, une école martiale nous l’impose. Si un trait de notre caractère est alimenté par une peur ou un vice, la communauté de l’école martiale viendra tôt ou tard le révéler et nous obligera à affronter ou corriger la chose. C’est simple, dans une communauté martiale, soit nous contribuons au bien être de chacun par notre comportement bienveillant et respectueux tout en adoptant les règles de conduite dictées par la raison d’être de la communauté, soit nous sommes invités à la quitter. Cela ne demande rien de compliqué pour quelqu’un doué de bon sens : de la politesse, de l’écoute, de l’humilité, une certaine droiture, la volonté d’apprendre et de partager dans les meilleures conditions, la capacité à respecter des consignes, la faculté d’être silencieux et parfois immobile, de la rigueur dans le travail, le souhait de faire attention aux autres et de tenir sa juste place au sein de la communauté pour contribuer à son bon fonctionnement… Seulement voilà, le bon sens est de moins en moins présent au sein des esprits. Notre monde moderne fabrique en masse des êtres nuisibles pour eux-mêmes et leurs semblables. Nos rues sont aujourd’hui remplies de personnes complètement abjectes n’ayant ni la volonté, ni la faculté de comprendre les éléments qui permettent de construire des communautés saines où il fait bon vivre et ou l’humain peut être en santé sur les plans physique et psychologique. Une véritable politique d’aliénation de l’homme vient organiser sa faiblesse, sa dépendance et la division au sein des sociétés parce qu’il faut diviser pour mieux régner. Lorsque nous sommes conscients de cela, que cela nous impacte, trouver une communauté saine dans laquelle il est possible de baigner dans la cohérence, de travailler à être résistant et de renforcer sa foi en l’humanité est un besoin.

4. Le besoin de sacré

Une école qui, à travers les époques, transmet des enseignements immuables parce que leur valeur fut, est et sera toujours la même pour l’homme est une école dite « traditionnelle ». Une tradition est valable lorsqu’elle a du sens, c’est-à-dire, lorsqu’elle véhicule des connaissances et des savoir-faire bénéfiques en tous lieux et en tous temps pour celui ou celle qui les perpétue. On dit souvent qu’une tradition est sacrée pour souligner le fait qu’on ne doit ni la changer, ni y mettre fin. Il y a, dans ce terme, deux connotations : la présence d’un caractère immuable et celle d’un lien avec quelque chose de supérieur à l’homme, une alliance à conserver avec une force par le biais de connaissances et d’actes ritualisés. Lorsque je parle de force, je parle d’une source d’éléments à même de rendre l’homme plus fort et c’est bien pour cela, soit dit en passant, que lorsqu’on souhaite affaiblir un peuple, on s’emploie à détruire par tous les moyens, tout ce qui pour lui est sacré : les symboles sacrés, les traditions sacrées, les lieux sacrés, etc.
Un homme sans traditions n’a plus de racines pour le relier à la Terre, un homme sans sacré n’a plus de branches pour le relier au Ciel. De cet homme on peut faire n’importe quoi car il est dépossédé de tout ce qui pourrait donner un sens à sa vie et de ce qui pourrait l’amener à vivre selon des lois et des vertus constructives pour lui et non pour un système mangeur d’âmes. Nous avons besoin du sacré car le sacré nous rend fort. Je dirai même que nous en avons aujourd’hui plus que jamais besoin pour faire face à la mondialisation et à sa politique d’affaiblissement et d’asservissement des peuples. Le sacré nous tient enraciné dans une terre saine, riche et fertile et nous indique comment la cultiver. Les écoles d’arts martiaux traditionnelles transmettent des enseignements sacrés issus majoritairement du Bouddhisme, du Taoïsme et du Confucianisme, c’est-à-dire trois grandes écoles de sagesse qui sont nées de la volonté de l’homme d’accéder à la connaissance de sa nature profonde, d’être en santé, de comprendre le sens de son existence, de vivre en harmonie avec les lois universelles et avec ses semblables. Nous avons besoin d’apprendre à devenir responsables et acteurs de notre santé. Nous avons besoin de connaître notre véritable nature et d’arrêter d’alimenter des croyances nocives qui nous disent que nous ne sommes nés que pour consommer et servir un système. Nous avons besoin de servir d’autres idéaux que ceux d’une élite d’hommes corrompus ayant un ventre à la place du cœur.

5. Le besoin de défenses

Dans la nature, la question de la défense est omniprésente. Les végétaux et les animaux développent des systèmes de défense en lien avec les menaces qui pèsent sur eux dans leur environnement. Ces systèmes, multiples et variés, s’enregistrent dans la constitution naturelle de chaque espèce et se transmettent génétiquement comme un programme de survie. Face à la prédation ou à des conditions de vie dangereuses, certaines espèces développent des armes naturelles, d’autres des facultés spécifiques, d’autre encore, des techniques de combat ou d’organisation. L’état permanent de potentiel danger est facteur de développement de bon nombre de capacités chez les êtres vivants à commencer par celles de pouvoir fuir ou mener un affrontement. La nécessité de survivre donne une direction à l’élaboration des constitutions afin que celles-ci puissent s’adapter à la menace et lui donne une ou des réponses. Une espèce qui ne se sentira jamais menacée verra sa constitution naturelle s’affaiblir et négligera de prendre soin ou de développer ses capacités à anticiper, réagir, combattre, résister, s’adapter. Son corps et sa force mentale s’affaibliront la laissant sans défenses face aux moindres difficultés ou agressions de la vie. L’homme a donc besoin de défenses. Il en a besoin pour préserver sa résistance, sa combativité, son adaptabilité et sa réactivité face à toutes sortes d’agressions (climatiques, virales, psychologiques, chimiques, verbales, physiques, etc.) qu’il est à même de rencontrer dans son quotidien.
En revanche, l’état de potentiel danger génère également un stress qui devient extrêmement nocif pour le fonctionnement organique. C’est sur ces deux constats que les arts martiaux traditionnels trouvent leur raison d’être car leur volonté est d’entretenir, chez leurs adeptes, des facultés de défenses tout en leur donnant des clés pour rester « froid sous le feu ». Issues des courants philosophiques dont les arts martiaux sont un support de transmission, ces clés de maîtrise des facteurs d’agitation ou de paix intérieures viennent non seulement équilibrer l’état de vigilance général entretenu par la mise en avant du « besoin de défenses » mais contribuent en plus à son affinage. Ainsi, s’entraîner à combattre est bénéfique pour entretenir sa santé si on équilibre cela par un travail parallèle de pacification intérieure afin qu’un esprit clair puisse être à même d’éviter aux influences émotionnelles de devenir les maîtresses de nos agissements et de mener notre corps à commettre des actes de destruction irréversibles pour lui-même ou les autres. C’est bénéfique si nous tempérons cela par le suivi d’un code de vie basé sur la vertu, si nous nous appliquons à stimuler nos facultés intellectuelles, si nous nous appliquons à raffiner nos qualités les plus subtiles telles que l’écoute, la douceur, la sensibilité et la compassion. C’est bénéfique pour nous et pour le monde si – et seulement si – nous respectons ces conditions car sans cela, nous ne formerions qu’un être déséquilibré, bestial et nocif.

Les anciens le savaient, tout comme ils savaient quels besoins ils devaient satisfaire par leurs pratiques et leurs modes de vie afin d’être plus vivants, plus forts, plus humains… C’est pourquoi les arts qu’ils ont créés ne sont ni des sports ni de simples systèmes de self défense. Les résumer à cela revient à en faire l’antithèse de ce qu’ils étaient à l’origine.

CONCLUSION

Je vais conclure ce sujet par une dernière réflexion personnelle. Il y a, dans le folklore martial, une notion qui alimente tous les fantasmes des amateurs de clichés : la notion de « secret ». Ce mythe sous-entend qu’il existait autrefois des savoirs secrets dans chaque grande école martiale traditionnelle et que seuls ceux qui avait prouvé leur mérite et leur loyauté pouvaient y accéder. Ces savoirs ne devaient pas être divulgués en dehors d’un cercle restreint d’élèves dignes de confiance car si de mauvaises mains s’en emparaient, elles pouvaient les utiliser à des fins obscures. Face à ce sujet, le profane imagine immédiatement qu’il s’agit là de techniques physiques à même de créer de graves blessures, de donner la mort et de rendre invincible. Le fameux mythe de la « botte secrète » est instantanément ravivé en lui aux cotés de tout un tas de références cinématographiques ou littéraires.
Je pense personnellement que blesser ou tuer quelqu’un ne nécessite aucune technique secrète et que les êtres les plus débiles ont toujours su instinctivement être très ingénieux lorsqu’il s’agissait de commettre des atrocités. La preuve : il n’y a qu’à voir le nombre d’adolescents dégénérés dépourvus d’éducation, d’instruction, de conscience et d’intelligence qui chaque jour, dans notre pays, tuent sans efforts simplement parce qu’ils ont le vice et la lâcheté de s’en prendre à des proies faciles. Ils n’ont pas de techniques secrètes, ils ont juste un corps mû par la haine, par la bêtise, par le manque total de valeurs et de vertus, par la pensée que tuer fera d’eux des hommes et sûrement aussi par le besoin d’exister face au constat de l’insignifiance de leur existence. Il me semble donc ridicule, lorsqu’on est un artiste martial, de prétendre détenir un quelconque soi-disant « secret » technique à même de causer n’importe quel traumatisme extraordinaire. Il me semble encore plus ridicule d’en faire un argument de valorisation personnelle ou de vente. Quant à l’invincibilité… en matière de combat physique, elle peut peut-être s’aménager un temps dans un contexte précis mais sûrement pas grâce à une quelconque recette secrète.
En revanche, je pense que les savoirs qui constituaient une matière pédagogique à la fois précieuse et dangereuse pour l’homme et qui étaient effectivement transmis discrètement au sein des écoles martiales traditionnelles d’autrefois, sont tout simplement les besoins humains que j’ai mis en évidence précédemment ainsi que les moyens de les assouvir. Il y a malheureusement bien longtemps que ces « secrets » n’en sont plus et que leur contenu est tombé entre de mauvaises mains. À l’heure actuelle, la plupart des techniques de manipulation des masses s’appuient justement sur la connaissance de ces besoins fondamentaux. Le monde est aujourd’hui dirigé par une poignée d’êtres abjectes dont le passe-temps est de créer des problèmes pour vendre des solutions. Ils organisent des crises, des guerres et la mauvaise santé générale des peuples parce que cela leur rapporte de l’argent et régule les populations. Pour cela, ils ont des stratégies toujours plus sophistiquées qui se perfectionnent grâce à l’étude des comportements humains face à certaines situations qu’ils créent. Certes les recettes de base pour asservir et contrôler les masses sont maintenant bien identifiées : divertir, infantiliser et abrutir le peuple, lui imposer graduellement des restrictions en matière de droits et de libertés, manipuler les émotions, organiser l’ignorance, culpabiliser… Mais il y a des moyens bien plus vicieux qui sont aujourd’hui mis en place et ceux-là consistent justement à entretenir l’insécurité et la faiblesse des peuples par l’organisation de la privation des besoins auxquels entendaient répondre des pratiques tels que les arts martiaux traditionnels.
Il n’y a qu’à observer comment aujourd’hui, en France, l’incohérence, la division et la disharmonie sont orchestrées à tous les étages institutionnels, comment sont encouragés les injustices, les vices, les déviances, la destruction des valeurs humaines, le dénigrement des vertus et la médiocrité sous toutes ses formes. Il n’y a qu’à voir comment la maladie est normalisée et favorisée (pour ne pas dire organisée), comment notre énergie et notre temps sont détournés pour nous empêcher de nous construire personnellement. Il n’y a qu’à voir comment le sacré est ridiculisé, souillé. Et enfin il n’y a qu’à voir comment les actes d’auto-défense sont sanctionnés alors que la criminalité, elle, est encouragée par l’impunité.
Ceux qui pensent que tout cela est le fruit de l’incompétence de nos dirigeants, à mon sens, se trompent. Il y a derrière tout cela une intelligence à l’œuvre qui sait très bien ce qu’elle fait.

Depuis toujours, dans le monde, des écoles ont véhiculé ces connaissances concernant les besoins humains et tout comme les écoles d’arts martiaux, elles entendaient y répondre par différents travaux, différentes pratiques opératives, corporelles, intellectuelles et par-dessus tout, par le raffinement de l’Être.
Parmi les plus célèbres nous pouvons évoquer les écoles de Platon, celles de Pythagore ou encore les écoles esséniennes. Bien entendu, nous pouvons aussi évoquer les écoles Indiennes dans lesquelles des pratiques corporelles sont venus se poser sur les enseignements philosophiques et spirituels qu’on nommait Yoga. Ces écoles étaient des écoles du vivant. Entrer dans une école d’arts martiaux, c’est entrer dans une école du vivant et si l’état d’esprit qui accompagne cette démarche n’est pas motivé en tout premier lieu par la volonté de travailler sur soi afin d’offrir à l’humanité un être bénéfique, alors l’enseignement sera assurément indigeste et incompréhensible par certains côtés, tout comme il est indigeste et difficile, pour un enfant de 7 ans, d’apprendre le solfège et de comprendre l’intérêt qu’il y a à le faire. Tout est une question de maturité.

J’en ai fini avec ce long exposé de ma pensée concernant le monde des disciplines liées à la pratique du combat et ce que leur pratique implique en France. Il est peu probable que ce discours soit lu, entendu ou partagé par beaucoup de personnes. Les facultés de concentration et d’attention détenues actuellement par la plupart des gens ne leur auront sûrement pas permis d’aller au-delà de l’introduction. Je vous remercie donc chaleureusement si vous m’avez suivi jusqu’au bout. Si vous êtes en quête d’une école, je ne saurai que trop vous conseiller de ne pas établir votre choix sur un simple critère de proximité. Demandez-vous ce que vous recherchez exactement en termes de pédagogie et de contenu général et n’hésitez pas à démarcher plusieurs professeurs en les questionnant sur leur approche. Épluchez leur site internet s’ils en ont un, demandez-leur leurs diplômes et leur background et vérifiez leur légitimité à enseigner légalement.

Brice AMIOT pour WUDE.