La Voie du Guerrier : Être un artiste martial. Voilà un sujet qui revient finalement souvent dans mes écrits mais sans qu’il n’ait fait l’objet d’un article spécifique et c’est finalement à la demande d’une amie qui se reconnaîtra, que je prends le temps d’y consacrer quelques lignes. Être un Artiste Martial digne de ce nom à notre époque relève du défi. Pourtant c’est une époque idéale pour qui décide de cheminer vers une version plus pure de soi-même car celle-ci nous y invite avec force. Bien entendu, ceux qui me lisent régulièrement connaissent la définition que je donne au terme « artiste martial », je ne vais donc pas me répéter à nouveau. J’ai plutôt envie ici de me faire plaisir en comparant ma vision de l’artiste martial avec celles qui se répandent dans le monde, de nos jours.
La voie du guerrier désigne le chemin de vie qu’un homme décide d’entreprendre au contact de l’apprentissage des arts martiaux pour se parfaire. La pratique martiale y est un outil, pas une finalité. Elle permet la transmutation de l’homme. Entreprendre la voie du guerrier implique une volonté de grandir, d’évoluer et de devenir chaque jour meilleur en tant qu’être humain. Seuls les hommes et les femmes qui arpentent cette voie raide et sinueuse peuvent se qualifier d’artistes martiaux. Je veux dire par là qu’on peut être le roi du coup de pied retourné-vrillé-piqué-tendu avec triple salto arrière, cela ne fait de soi pour autant un artiste martial. Si, derrière le geste technique, il n’y a aucune volonté d’élever sa condition humaine, de se dépouiller de l’inessentiel ou encore de rencontrer son âme, ce geste n’est pas celui d’un artiste martial. Il peut être celui d’un illusionniste, celui d’un bagarreur, celui d’un imitateur ou encore d’un frimeur, mais certainement pas celui d’un artiste martial. Un célèbre proverbe dit « peu importe la longueur de son sabre si l’homme n’a pas la vertu ». Il résume totalement ce qu’est la voie du guerrier : une quête de perfection humaine.
Dans un art, la technique est ce qui permettra à l’âme (la partie divine de l’homme dépouillé de son égo) de s’exprimer le mieux possible dans la matière. Plus la technique est répétée, plus elle est épurée et plus l’expression du Soi devient aisée à travers elle. La répétition technique est censée nettoyer l’homme des impuretés mécaniques ou psychiques qui l’empêchent d’exécuter un geste authentique et efficace. Un geste qui, de l’extérieur, parait simple au commun des mortels, mais se révèle très compliqué pour lui à réaliser sans entraînement. Si nous nous replaçons dans un contexte martial et que nous demandons à deux pratiquants de réaliser un simple même coup de poing dans le vide sachant que l’un de ces deux pratiquants est un expert et l’autre un débutant, nous pourront sans hésiter ressentir une profonde différence entre les deux gestes pourtant similaires. On dira que l’un des deux coups de poing, celui de l’expert, est empli d’une âme… Le geste du débutant, lui, paraîtra vide en comparaison.
L’intention que nous mettons dans nos actes détermine leur valeur. Un acte est une graine que nous plantons. Un acte répété sans cesse avec derrière lui, une intention constante, finira par manifester clairement et puissamment, l’objet de son existence car on récolte ce que l’on sème. Cela aura même pour effet, avec le temps, de faire de l’exécutant, un parfait véhicule de l’énergie (ou du champ de vie) créé par l’intention qu’il nourrit. En d’autres termes, on devient ce que l’on pense. Unir les actes (les gestes), l’esprit (les intentions) et le souffle (le principe créateur) constitue la grande raison d’être des Arts Martiaux. Plus on s’y entraîne, plus on parvient à refléter naturellement la nature de nos intentions à travers nos actes, même les plus insignifiants.
Lorsqu’un homme (ou une femme) répète constamment les mêmes actes sur une longue période de temps avec la même forte intention, il/elle créé un champ d’énergie qui se répand comme une onde dans l’univers. Une onde revient toujours vers son centre originel. Ainsi, votre intention recevra une réponse de l’univers, c’est une loi. Nous avons donc tout intérêt à veiller aux intentions que nous émettons et aux actes que nous posons car, par la loi de cause à effet, ceux-ci auront des conséquences dans notre vie. Sachez également que ce qui se fait en petit, se fera un jour en grand. Cela signifie que les petites choses nourries régulièrement finirons par devenir de grandes choses : « bêche jour après jour ton jardin sans te retourner, un jour tu seras loin ».
Forts de ces connaissances, analysons à présent ce que sont devenus les Arts Martiaux à notre époque. Ils sont majoritairement devenus des sports, loin de la Voie du Guerrier. On s’y exerce principalement pour être plus fort que les autres, pour briller, pour pouvoir se défendre ou attaquer, c’est-à-dire pouvoir gérer le fait d’être contre l’autre. Cela signifie que derrière l’entraînement qu’on propose aujourd’hui, se place dans un premier temps, une claire intention d’opposition. L’esprit d’opposition, de séparation, de compétition constitue le formatage qui prédomine dans nos sociétés modernes et les mène à perdre tout sens de l’humain. L’autre est un autre que soi, un potentiel danger à éliminer. Diviser pour mieux régner est un principe appliqué systématiquement par ceux qui mènent le monde : nous sommes loin de la philosophie bouddhiste de laquelle les Arts Martiaux sont nés.
Dans un second temps, une intention de paraître est également omniprésente. On pratique pour exister aux yeux des autres, pour que nos égos soient gonflés du regard admiratif de nos semblables. La quête est constamment à l’extérieur de nous-même et non à l’intérieur. C’est l’ère de la démonstration constante, du paraître avant l’être, du prestige avant le travail. Les ceintures de couleur qu’on distribue pour attester le niveau d’un pratiquant témoignent de cela. On va « à la salle » pour arborer sa ceinture aux yeux des autres, quitte à ne pas la mériter réellement… les hommes d’aujourd’hui n’ayant de toutes façons que peu de conscience, ne voient aucun problème à se balader avec une ceinture ou un titre qu’ils ne méritent pas.
Qui s’exerce aujourd’hui avec l’intention d’être chaque jour un cadeau pour l’humanité ? Quel pratiquant actuel relie sa vie et son art pour en faire un art de vivre ? Qui place les vertus au centre de sa vie ? Qui se soucie des graines qu’il plante dans le monde ? Les hommes râlent, critiquent, se plaignent, s’insurgent mais sont inconscients de leur pouvoir créateur. Les basses intentions qu’ils placent constamment derrières leurs actes quotidiens déterminent l’avenir qu’ils redoutent. En voulant exister et s’imposer au détriment des autres et de leur environnement, ils programment leur perte.
On peut exécuter un coup de poing dans le vide avec plusieurs intentions : celle d’avoir du style, celle de détruire efficacement ou celle de fournir le meilleur canal possible pour l’énergie de l’univers. Ces trois intentions détermineront ce que l’exécutant deviendra dans sa vie : un illusionniste, un destructeur ou un guérisseur.
Un illusionniste vivra dans le mensonge et le paraître toute sa vie. Centré sur l’extérieur, il sera incapable de se connaître réellement et devra vivre masqué, endossant des rôles différents en fonction des gens qu’il côtoie.
Un destructeur détruira tout autour de lui jusqu’à se retrouver seul contre tous, persuadé qu’il est « le gentil contre les méchants ».
Un guérisseur apportera la vie partout autour de lui. Il reconstruira ce qui a été détruit, soignera ce qui a été blessé, apaisera ce qui est agité, aura l’amitié et l’amour des autres. Centré et vigilant quant à la nature de ses paroles et de ses actes, il vivra en incarnant des vertus qui lui permettront d’évoluer vers une vie de moins en moins matérialiste au profit d’une vie au service de l’amour.
Traditionnellement, un geste martial se veut simple, pur et sans artifices. C’est une notion que l’on trouve encore aujourd’hui dans les styles de Karaté traditionnel et dans le Wing Chun également. Ces gestes n’ont pas la vocation d’être démonstratifs, au contraire. Ils se veulent le véhicule d’une intention claire. S’entraîner à pratiquer des gestes d’une telle nature nous amène nous même à devenir des gens simples, purs et sans artifices.
Les arts martiaux d’aujourd’hui misent considérablement sur un registre technique démonstratif et spectaculaire pour attirer les masses de fans de cinéma d’action qui pensent qu’un art martial consiste à apprendre à se battre avec du style. Aucune philosophie n’accompagne plus les enseignements. Du coup, ces écoles invitent finalement des gens à devenir des personnes superficielles, compliquées, cherchant à impressionner les autres. Qu’est-ce qu’une société a à gagner à s’entourer de gens comme cela ?
La plupart des êtres humains, aujourd’hui, s’empêchent d’être eux même pour correspondre à tout un tas de standards et de clichés véhiculés par les médias. Il faut penser comme ceci, s’habiller comme cela, aimer ci, détester ça. Les intentions globales des gens sont centrées sur la volonté de plaire pour être aimé des autres. Ils n’apprennent pas à s’aimer d’abord eux même en affirmant en toute simplicité, en toute pureté et en toute authenticité qui il sont dans la profondeur.
Ceux qui décident de ne plus porter de masques, d’être authentiques dérangent souvent. Leur volonté de vivre libre de tout conditionnement fait peur. On les considère comme incontrôlables voir même comme des sauvages. Pourtant ces gens-là ont une richesse intérieure débordante. Leur univers est vaste car il ne s’est pas enfermé dans une prison de conformité.
L’artiste martial est censé se dépouiller de tout conditionnement pour accéder à cette authenticité pure, simple et sans artifice, malheureusement ce qu’on lui propose aujourd’hui sous le nom d’arts martiaux va à l’encontre de ce principe.
Pour conclure cet article, je vais être clair. Il me parait aujourd’hui très ambitieux d’être un artiste martial comme je le conçois. Cela demande de vivre comme un marginal et de trouver une école qui reste attachée à une profonde tradition. Pourtant si nous parvenons à rester ferme et à refuser la médiocrité d’une vie dictée par le besoin de briller, de s’imposer ou de correspondre à des normes sociales ; Si nous nous appliquons chaque jour à être simple, pur, bienveillant et authentique dans nos pratiques comme dans nos vies, la vibration qui s’en dégagera attirera à elle d’autres êtres semblables, accordés sur la même intention de s’affranchir d’un monde de plus en plus faux. La magie des fréquences fait qu’il existe plusieurs mondes au sein du monde.
Brice AMIOT pour A.M.E.S.